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Comment l'immobilier s'inspire des techniques du financement LBO

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Le 6 juillet dernier, CFNEWS IMMO organisait avec Mayer Brown un petit-déjeuner débat sur le thème du financement immobilier, axé sur la place qu’occupent aujourd’hui les fonds de dette sur ce marché et sur la procédure de sauvegarde. Retour sur les grandes leçons de cette matinée.

Venus du monde du LBO, les fonds de dette se sont octroyés une place de choix ces dernières années sur le marché du financement immobilier, en choisissant de s’exposer principalement à une tranche spécifique : la dette distressed « au moment où il y a eu un assèchement de la dette bancaire et une frilosité sur certaines opérations dans le cadre de refinancements », comme le rappelle Privat Vigand, associé Banking & Finance/Real Estate de Mayer Brown. Cette forte présence des fonds sur le distressed, qui peuvent monter jusqu’à 70 ou 80 % de LTV, s’explique aussi par le fait que, contrairement à la plupart des prêteurs bancaires, ces gérants disposent d’un savoir-faire interne grâce à leurs asset managers. « Le distressed est une porte d’entrée incroyable pour les fonds, qui leur offre des rendements intéressants, plus importants que sur d’autres actifs », assure Maud Bischoff, counsel Banking & Finance/Real Estate.

La mezzanine reste discrète 

Pour autant, les fonds ne sauraient aujourd’hui se limiter à cette seule tranche. La mezzanine les intéresse également, même si elle reste peu fréquente dans l’Hexagone. « On voit de la dette mezzanine sur des financements immobiliers importants, impliquant notamment des banques anglo-saxonnes, plus habituées à gérer les mezzaneurs, y compris dans le financement immobilier, explique Erwan Heurtel, associé Corporate & Securities/Real Estate. Les banques en général, et les françaises en particulier, n’aiment pas trop la mezzanine, notamment pour des problématiques de partage de sûretés. En plus, les discussions sont aussi toujours plus compliquées pour cette raison entre la senior et la mezzanine. Dans 90 % des dossiers de financement, il n’y a pas tellement de mezzanine », assure-t-il.

Les fonds arrivent aussi sur le prime

Plus étonnant encore, Patrick Teboul, associé Corporate & Securities/Real Estate, relève une tendance extrêmement récente, qui voit ces fonds commencer à intervenir « sur des actifs qui ne sont pas distressed, voire des actifs prime, mais avec des situations juridiques très compliquées, sur lesquels les banques ont tendance à ne pas vouloir prêter. Les fonds proposent alors une solution intéressante qui est de faire un bridge, le temps de régler le problème juridique et ensuite de permettre le refinancement partiel via une dette senior classique et de convertir une partie en une sorte de mezzanine ». « Sur les actifs prime dont la structure de financement apparaît juridiquement compliquée, les banques sont plus contraintes par leur réglementation interne ou leur comité que les fonds qui sont plus réactifs et donc en mesure de proposer un financement de l’opération », complète Maud Bischoff. Une réactivité qui a néanmoins un prix.

Un pricing plus élevé

« Ces fonds sont plus souples et plus rapides, mais la prise de risque rend l’opération plus onéreuse pour l’emprunteur », souligne Antoine Allez, notaire associé chez VH 15 Notaires. Plus élevé qu’un financement bancaire classique, le pricing des fonds s’explique par le fait que l’hypothèque en immobilier est vue « comme la reine des sûretés ». « Aujourd’hui, si on prend un financement entre 60 % et 80 %, selon le degré de nature de l’opération sous-jacente, on sera aux environs de 7 % et plus si de nombreux risques sont pris », constate ainsi Cyril de Romance, co-fondateur et partenaire de First Growth.

Une concurrence récente entre les prêteurs

Comment les banques vivent-elles l’arrivée de ces nouveaux prêteurs ? Les voient-elles comme des concurrents ou comme des partenaires ? A cette question, tous s’accordent sur le fait qu’il n’y a globalement pas de concurrence entre les deux,  ils ne font pas le même métier et sont complémentaires. Pour autant, Cyril de Romance note une tendance récente sur le marché : l’apparition d’une certaine concurrence entre les deux prêteurs. « Nous avons eu un dossier récemment, sur lequel le fonds de dette cherchait à faire une dette underwritée à 80 % et la banque en compétition cherchait à faire la même chose. A la différence que le fonds voulait garder l’approche subordonnée pour pouvoir avoir la mezzanine et vendre la dette senior sur le marché à ses partenaires bancaires. La banque elle, voulait faire l’inverse. Elle veut garder la dette senior, vendre la dette mezzanine, mais garder un pourcentage de la dette mezzanine pour booster ses retours dans la dette senior. »

Inspirés des techniques du LBO

Avec l’arrivée de ces fonds de dette, le marché immobilier pourrait-il tendre vers le financement LBO ? Leur réactivité joue de toute évidence en leur faveur, face à des acteurs « qui en ont toujours plus besoin et des contraintes des banques qui continuent d’augmenter », selon Maud Bischoff. « Certaines techniques et clauses du financement LBO vont venir s’insérer dans la rédaction contractuelle du financement immobilier, pour favoriser cette efficacité et cette rapidité, comme l’allégement des covenants », assure-t-elle. « On voit les banques qui s’intéressent, dans les intercreditors, à la réalisation du pacte commissoire des titres, comment on va les revendre, etc, complète Privat Vigand. C’est en ça que l’immobilier tend vers le financement LBO. Avant, les banques ne se posaient même pas la question de la réalisation des sûretés, ni même si l’expert avait donné les bonnes valeurs. » Quant à la procédure de sauvegarde, tous s’accordent sur le fait qu’elle ne constitue en rien une mesure anodine et, si elle est particulièrement ouverte en immobilier et est « une solution quand il n’y a plus de solution », selon Cyril de Romance, elle doit être « mûrement réfléchie avant d’être mise en place, d’autant que c’est extrêmement coûteux ».

Les outils pour éviter la sauvegarde

Comment éviter la sauvegarde ? « En essayant de déporter la société en dehors de France, avec un système de double lux-co, explique Patrick Teboul. La fiducie peut aussi constituer une solution, mais elle est coûteuse et compliquée à mettre en place. » L’associé avance un outil particulièrement efficace, souvent utilisé par des fonds de dette de retournement : la golden share. « Vous donnez une action à votre prêteur et cette action n’a aucun droit, sauf dans certaines hypothèses où cette action a tous les droits, comme révoquer le management en place et en nommer un nouveau. Il est de plus en plus utilisé aujourd’hui parce qu’il est peu onéreux, facile à mettre en place et, à mon avis, assez efficace. » Jean-Philippe Lambert, président de Mayer Brown Paris, est lui revenu sur la réforme du droit des contrats, « qui peut donner lieu à quelques abus. L'intervention du juge pour interpréter un cas de défaut peut être un moyen de ralentir l'exécution d'un contrat de prêt. Les prêteurs souhaiteront limiter les cas d'intervention du juge afin d'éviter ce type d'abus », souligne-t-il. 

Retrouvez le compte-rendu de cette matinée, dans son intégralité, sur cfnewsimmo.net

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