
Le bail commercial actuel n’est plus adapté aux enjeux du tertiaire contemporain. Conçu pour un monde stable, mono-usage et prévisible, il ne reflète plus les réalités d’immeubles soumis à la transition énergétique, à l’évolution rapide des usages, aux exigences de circularité et à la pression réglementaire. C’est pour combler cet écart qu’est née l’initiative 1’Pacte, révélée le 27 novembre devant une trentaine d’acteurs réunis au siège du groupe Perial. Les pionniers de la démarche, grands utilisateurs, investisseurs et propriétaires publics comme privés, ont présenté une innovation attendue : une méthode permettant de faire entrer dans les relations locatives la performance d’usage, la sobriété énergétique et l’économie de matière. Autrement dit, un moyen concret de favoriser un modèle gagnant-gagnant entre bailleurs et locataires.
Rassemblés par A4MT, Groupama Immobilier, Batipart Europe, La Poste Immobilier, Covéa Immobilier, la Direction de l’Immobilier de l’État, l’AGILE, Crédit Agricole Immobilier et plusieurs experts ont ainsi co-signé un ensemble de fiches opérationnelles destinées à adapter les clauses du bail et structurer des collaborations plus matures. Leur ambition est simple : offrir à la profession un cadre commun, économique et juridiquement fiable, pour réduire les irritants et instaurer une coopération durable entre propriétaires et utilisateurs.
Une question fondamentale
Ces fiches, qui concernent l’usage, l’énergie et la circularité, s’adressent aux asset managers, aux juristes, aux directions immobilières et aux responsables RSE. Elles répondent à une question fondamentale : comment optimiser l’usage réel des immeubles, anticiper les transitions énergétiques, intégrer le réemploi et créer de la valeur pour chacune des parties ? Fortes d’irritants identifiés sur le terrain, elles décrivent un constat partagé, une vision cible, les éléments réellement négociables, les indicateurs de performance et les pistes juridiques pour sécuriser les accords.
Valeur mesurable
Les premières expertises économiques montrent que cette coopération crée une valeur mesurable : jusqu’à 0,6 point de TRI pour le bailleur et jusqu’à 8 % d’économies sur la VAN pour le locataire. Dans les témoignages recueillis, les pionniers montrent que cette méthode change concrètement le pilotage des immeubles : alignement des équipes, anticipations des usages, arbitrages plus rapides et premiers gains énergétiques mesurables. La fiche "Héritage" par exemple, permet d’éviter les cycles coûteux de remise en état lors d’un changement de locataire : un espace est transmis dans un état adapté plutôt que refait. Grâce à la traçabilité et à la valorisation des matériaux, le bureau devient un lieu qui se transmet, où le réemploi est à la fois économique, durable et esthétique.
L'enjeu de l'intensité des usages
Comme le rappelle Jennifer Roch, directrice des opérations de développement de Batipart Europe, l’intensité d’usage des bâtiments est un véritable enjeu pour notre secteur. Sa mise en pratique est souvent complexe et fait face à de nombreux obstacles. Par exemple, si nous voulons ouvrir l’auditorium d’un immeuble de bureaux les soirs et les week-ends à des associations du quartier, quelles sont les assurances à souscrire ? Les règles de sécurité à mettre en place ? La réflexion collective menée avec 1’Pacte permet de trouver des solutions concrètes pour passer à l’action. Et l’Agile, représentant l’État propriétaire, souligne que les enjeux qu’il porte, mieux utiliser, mieux gérer, mieux anticiper, mieux transmettre, sont strictement les mêmes que ceux du marché.
Installer un nouveau standard
Le 27 novembre a marqué un tournant : celui du passage de la théorie à l’action. Plusieurs organisations ont déjà commencé à diffuser la méthode en interne et à l’appliquer sur des actifs pilotes. Les réserves juridiques sont progressivement levées, les premiers retours d’expérience enrichissent les outils, et les pionniers montrent qu’un nouveau cadre de coopération est non seulement possible, mais nécessaire. Comme le rappelle Astrid Weill, directrice générale de Groupama Immobilier et présidente du groupe de travail 1’Pacte, « le relationnel bailleur–locataire est un énorme gisement de valeur : nous partageons souvent les mêmes objectifs sans parvenir à les concrétiser ensemble ». L’initiative ouvre désormais ses travaux à tous les acteurs qui souhaitent rejoindre cette dynamique : bailleurs, preneurs, asset managers, exploitants, juristes, experts techniques. Tester la méthode, co-construire des clauses standardisées, mutualiser les retours d’expérience : l’enjeu est d’installer un nouveau standard de marché fondé sur la valeur d’usage, la sobriété énergétique et la circularité. Comme le résume Nicolas Leonnard, directeur général délégué de Perial AM : « C’est une manière concrète de donner vie à notre raison d’être : être moteur de la transformation vers l’épargne et l’immobilier responsables. »





