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Quel est le patrimoine d’Adrien Labi dans le Triangle d’or de Paris ?

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Alors que l'homme d’affaires libyen vient d’être mis en examen et placé sous contrôle judiciaire pour soupçons de fraude fiscale et blanchiment, CFNEWS IMMO dévoile les immeubles qu’il détient dans les beaux quartiers de la capitale – un patrimoine estimé à 1 Md€ selon nos sources –, ainsi que ceux qu’il a rétrocédés ces dernières années, notamment auprès de Kering et de LVMH.

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Le patrimoine de la Foncière du Triangle d'or à Paris. © Google Maps

Le patrimoine de la Foncière du Triangle d'or à Paris. © Google Maps

Une information CFNEWS IMMO

Après plusieurs années de cache-cache avec les autorités françaises, l’homme d’affaires libyen Adrien Labi – à la tête de la Foncière du Triangle d’or, structure domiciliée au Danemark – a été mis en examen ce mercredi 9 mars, pour soupçons de fraude fiscale et de blanchiment, suite à deux jours de garde à vue dans les bureaux de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF). Selon nos sources, il a été arrêté le lundi 6 mars, juste après avoir signé la vente définitive du 35 Montaigne, à Paris. Adrien Labi est actuellement sous contrôle judiciaire, avec obligation de s'acquitter d'une caution de 30 M€. Ce dernier était visé par une information judiciaire depuis février, ainsi que par un mandat de recherche dans le cadre d'une enquête ouverte en 2015. À l'issue de sa garde à vue des 6 et 7 mars derniers, 461 M€ ont été saisis pour garantir le paiement d'une éventuelle amende et la régularisation de sa situation fiscale, selon le parquet national financier (PNF). Cette somme correspond, selon nos sources, à des dettes : 94 M€ au titre de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) dont il est redevable ; 202 M€ au titre de l'impôt sur les sociétés ; et 160 M€ liés aux impacts fiscaux de ses plus-values. Toujours selon nos informations, l'ardoise qu'il doit au fisc français se chiffrerait à 500 M€, voire plus. Pourtant, d’après nos sources, Adrien Labi s'est rendu très régulièrement à Paris ces dernières années pour gérer son patrimoine immobilier, sans être inquiété par les autorités françaises. Mais, quels sont les actifs détenus dans les adresses prime par l’homme d’affaires, surnommé "le fantôme du Triangle d’Or parisien" par les acteurs du real estate ? Quelle est leur valorisation ? CFNEWS IMMO dévoile, en exclusivité, la liste de ces immeubles situés dans les beaux quartiers de la capitale.

Plus de 650 M€ situés rues Boccador, Trémoille et Clément Marot 

L'hommes d'affaires Adrien Labi. © PradivNero 

L'hommes d'affaires Adrien Labi. © PradivNero 

Pour remonter la piste d’Adrien Labi dans le real estate de la capitale, il faut se rendre au cœur du Triangle d’Or, quartier du 8e arrondissement qui recense le nec plus ultra des maisons de luxe. Façade après façade, suivez les banderoles verticales de la Foncière du Triangle d’or et vous pourrez comptabiliser près d’une vingtaine d’immeubles en sommeil. Ce patrimoine – que l’homme d’affaires a constitué à partir des années 2000 – cumulait jusqu'à 70 836 mètres carrés, dont 39 251 mètres carrés occupés et 31 557 vacants, il y a plus de cinq ans d'après nos sources, pour près de 40 lignes. Aujourd'hui, ce patrimoine prend notamment racine rue Boccador. Dans cette discrète artère, il détient les numéros 3 (seulement le RDC et le sous-sol), 5, 7 et 9. De sources concordantes, ces actifs – à vendre unitairement – représentent plus de 13 000 mètres carrés (principalement des logements, suivis par du retail et des bureaux) et se valorisent un total de près de 290 M€. « Avec la personnalité controversée d’Adrien Labi, il est difficile de connaître le prix exact qu’il en souhaite, souffle un investisseur de la place. En 2019, ces actifs étaient adressés sous le manteau pour 240 M€, un montant auquel il convient d’ajouter +20 % de valeur. » À noter : un permis de construire a été obtenu en décembre dernier pour réhabiliter le 7 Boccador. Pour poursuivre le jeu de piste, déportez-vous sur l’une des perpendiculaires de Boccador : la rue de la Trémoille. Ici, la Foncière du Triangle d’or dispose du numéro 3, estimé à 36 M€. Rue de la Trémoille toujours, Adrien Labi détient aussi les numéros 26, 28 et 30 d’après nos informations. Trois actifs auxquels se greffent les 8, 10 et 12 rue Clément Marot. Adressé off market au marché, ce portefeuille d’immeubles value-add de plus de 12 300 mètres carrés se valorisait 280 M€ en 2019. Quatre ans plus tard, il en vaut près de 330 M€.

Plus de 110 M€ en copropriété sur les Champs-Élysées

Le 63 Champs-Elysées détenu par Adrien Labi. 

Le 63 Champs-Elysées détenu par Adrien Labi. 

Dans l’épicentre du quartier central des affaires (QCA) parisien, le Monopoly de la Foncière du Triangle d’Or concentre près de 6 300 mètres carrés de logements et de retail supplémentaires. Ces surfaces – qui se lovent aux 48-50 rue Pierre Charron et aux 1-3 rue de Cerisoles – sont estimées à quelque 180 M€ d’après nos sources. Sur l’actif de Pierre Charron, l’horloger haut de gamme Arije jouit d’un flagship de près d’un millier de mètres carrés, via un bail qui court jusqu’en 2025. Passer au crible le patrimoine immobilier d’Adrien Labi, c’est aussi arpenter la plus belle avenue du monde. Sur la mythique artère de la capitale, le millionnaire détient 47 % du 63 Champs-Élysées, représentant un ticket proche des 110 M€. Dans le détail, ce trophy asset héberge 6 300 mètres carrés, dont près de la moitié en bureaux. Quittons le Triangle d’Or pour rejoindre le 5 rue Constantine. Face à l’esplanade des Invalides, dans le 7e arrondissement, l’homme d’affaires a mis la main, en 2015, sur l’ancien centre culturel canadien (2 140 mètres carrés). Huit ans plus tard, cet immeuble se valorise près de 66 M€ selon les données du secteur. Toujours d’après nos informations, Adrien Labi possède quelques centaines de mètres carrés de bureaux au 18 bis rue d’Anjou et un triplex basé au 5 avenue de Bousquet. « Sans nul doute qu’il détient d’autres petites lignes à Paris intramuros », stipule un broker. Au total, le portefeuille de la Foncière du Triangle d’Or s’évalue à quelque 1 Md€. « Ce chiffre est peut-être même en-deçà des propres estimations d’Adrien Labi, « qui raffole des parties de poker menteur pour faire grimper le prix de ces actifs pendant les négociations », lâche un asset manager parisien.

196 M€ pour le 64-66 Pierre Charron

Le 64/66 rue Pierre-Charron, dans le 8e arrondissement de Paris. © Google Maps 

Le 64/66 rue Pierre-Charron, dans le 8e arrondissement de Paris. © Google Maps 

Si les grands brokers de la place ont interdiction de piloter des mandats au nom de la Foncière du Triangle d’Or depuis plusieurs années – ce pour des raisons de KYC (ndlr : processus de vérification de l’identité d’un client avant de vendre un actif immobilier) –, cette situation n’a pas empêché Adrien Labi d’arbitrer plusieurs de ses bijoux parisiens. En 2018, celui-ci a vendu le 11 rue Saint-Dominique (Paris 7e), un actif de 2 504 mètres carrés à dominante résidentielle repris par Berggruen Institute pour 42,1 M€. Deux ans plus tard, sa structure domiciliée au Danemark s’est délestée du 64-66 Pierre Charron, contre un ticket de 196 M€ – soit plus de 25 700 €/m2. Cet ensemble de bureaux et de commerces de 7 600 mètres carrés, vide et à restructurer, avait été repris off market par Balzac REIM, pour le compte de la banque helvétique Credit Suisse, et se valorise aujourd'hui quelque 300 M€. Sans conteste, la cession la plus emblématique – dont le signing final a entraîné la chute d’Adrien Labi le 6 mars dernier – reste celle de l’ex-ambassade du Canada, dans le 8e arrondissement. « En parlant de KYC, comment des banquiers français ont pu le financer de longue date, Natixis au premier chef ? », s'interroge un professionnel de l'immobilier. 

Cession du 35 Montaigne pour 860 M€

Le 35 Montaigne à Paris en travaux. 

Le 35 Montaigne à Paris en travaux. 

Comme révélé par CFNEWS IMMO, Kering a jeté son dévolu sur le numéro 35-37 de l’avenue Montaigne – un territoire réputé pour être l’apanage d’un autre fleuron tricolore du luxe à quatre lettres, LVMH. Jouant au jeu du chat et de la souris sur cet opus prime en cours de restructuration, Adrien Labi en souhaitait, d’après nos informations, 500 M€ en 2018, puis 615 M€ pendant la crise sanitaire et entre 800 M€ et 1 Md€ ces derniers mois. D’après nos sources, la firme du milliardaire François Pinault – pilotée par son fils François-Henri Pinault –, a déboursé 860 M€ HT pour cet ensemble de plus de 8 300 mètres carrés, contre un taux de 2,8 %. Un montant auquel il faut ajouter environ 25 M€ de loyers et de franchises aux frais de Kering. Dans le détail, le volet retail prime du 35 Montaigne s'est transacté 250 000 €/m2 en moyenne, quand la partie bureaux s'est envolée à 40 000 €/m2. De tous les spécialistes du real estate que nous avons interrogés, tous évoquent un prix décorrélé de la réalité du marché, quand bien même il s’agit de l’avenue Montaigne. « L’histoire a toujours donné raison à Adrien Labi, estime un broker. Il a notamment réussi à vendre le 64/66 Pierre Charron dans de très bonnes conditions. » Ainsi que l'a révélé CFNEWS IMMO, avant de racheter le 35 Montaigne, Kering avait pré-loué l’ensemble des bureaux (5 100 mètres carrés) pour y déployer Saint Laurent. Dans le même laps de temps, le fleuron du luxe français a également sécurisé la plus grande coque retail de l'actif (1 389 mètres carrés) de l’édifice pour y ouvrir une boutique Saint Laurent, pour près de 12,5 M€/an.

Swap en 2015 sur l’ex-ambassade du Canada

Le 35 avenue Montaigne à Paris, qui jadis hébergeait l'Ambassade du Canada. 

Le 35 avenue Montaigne à Paris, qui jadis hébergeait l'Ambassade du Canada. 

Revenons un instant sur l’histoire du 35 Montaigne. En 2015, l’ex-fief de l’Ambassade du Canada – tout comme le 5 rue Constantine – a fait l’objet d’un swap entre Ottawa et la Foncière du Triangle d’Or. Le gouvernement canadien échange ses deux adresses parisiennes contre le 130 rue Faubourg Saint-Honoré, propriété d’Adrien Labi, afin d’y loger son ambassade en France. L’homme d’affaires britannique né en Libye prend alors ses quartiers généraux en plein centre névralgique du luxe à Paris, face au flagship de Christian Dior. Avec l’appui de ses relais parisiens, Adrien Labi obtient, d'après nos sources sans aucune difficulté, un permis de construire en vue de sublimer le 35 Montaigne en produit haut de gamme en 2018. Le projet patine de nombreuses années et suscite les interrogations des spécialistes du real estate… « Nous ne ferons pas d’offre sur cet immeuble pour une simple raison : nous ne savons pas d’où proviennent les capitaux, qui ont permis à Adrien Labi de l’acquérir », nous confiait un investisseur institutionnel en septembre dernier. Des interrogations qui n’empêcheront pas Adrien Labi d’obtenir, entre autres, deux permis de construire modificatifs entre le début et la fin de l’année 2022 auprès de la Ville de Paris. « Ces deux PCM lui auront été précieux pour signer une promesse de vente avec Kering », souffle un conseil.

Un ticket de 150 M€ pour le 19 François 1er

Longtemps adressé au marché avec le 35 avenue Montaigne, le 19 rue François 1er, dans le 8e arrondissement de Paris, va être aussi rétrocédé en actif unitaire. Comme révélé par CFNEWS IMMO en février dernier, LVMH a signé une promesse de vente avec la Foncière du Triangle d’Or, pour reprendre cet opus mixte value-add de 2 600 mètres carrés. D’après nos informations, cette transaction off market se valorise près de 150 M€, alors qu’Adrien Labi en espérait un ticket de 100 M€ il y a encore quelques mois. Si le 19 François 1er ne bénéficie d'aucun permis de construire, plusieurs propriétaires d’actifs du quartier ont constaté que l’homme d’affaires libyen y a mené de lourds travaux sans la moindre autorisation administrative. Contactée, l’équipe d’Emmanuel Grégoire – premier adjoint à la mairie de Paris en charge de l’urbanisme – n’a jamais répondu à nos sollicitations. « Nous sommes outrés que l’équipe parisienne dédiée à l’urbanisme ne prenne aucune décision contre ces travaux menés à la sauvage », réagissait un investisseur dans nos colonnes. Et un autre d'emboîter : « Au-delà des travaux réalisés sans autorisation, on peut aussi s’interroger sur des fanions « A louer » placardés sur les immeubles à titre purement fictif, et avec une certaine complaisance de la Ville qui plutôt que de pastiller du bureau occupé en logement, ferait mieux de faire remplir les dizaines d’appartement vacants depuis des décennies de cette foncière, qui sans doute échappe aussi à la taxe sur la vacance. »

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